À Flers, dans l’Orne, un retraité de 89 ans passe l’hiver dans une maison éventrée par un incendie. À l’intérieur, la température affiche à peine des valeurs positives, les câbles pendent du plafond et les courants d’air s’engouffrent par les trous des murs. Sur le sol du salon, un simple matelas posé sur des cartons tient lieu de lit à cet ancien routier.

Sa maison a été ravagée par les flammes le 17 septembre 2023. Deux ans plus tard, à 89 ans, il vit sans électricité ni chauffage, sans eau courante, dans ce chantier gelé. Émile Desdoits résume son quotidien en une phrase terrible, rapportée par Ouest France : "Je passe la journée dans les magasins pour me chauffer."

À 89 ans, Émile Desdoits retourne vivre dans une maison en ruine

Après l’incendie, les six premiers mois, le retraité n’a pas dormi une seule nuit chez lui. Il a été accueilli successivement par une amie, puis dans une petite maison prêtée par sa voisine, avant de s’installer chez sa sœur, à quelques kilomètres. À l’approche de Noël, il sait que cette dernière reçoit de la famille et il répète : "Elle reçoit de la famille pour Noël, elle ne peut pas me loger et surtout je ne veux pas l’embêter".

Alors Émile Desdoits a pris une décision radicale : revenir dans sa maison inachevée, malgré le froid et l’absence de confort. Faute d’électricité, il quitte les lieux dès le réveil et ne revient que pour dormir, prenant ses repas midi et soir chez sa sœur. Il assume ce choix comme une forme d’alerte et lance : "Mais je suis bien décidé à rester vivre ici tant que les travaux n’ont pas débuté. Il y en a marre, je n’en peux plus !", s’insurge l’ancien routier.

Une vie à 8 degrés, sans eau ni chauffage, pour ce retraité de Flers

Dans le salon où il dort, le thermomètre ne dépasse pas 8 degrés. Un matelas posé "sur des cartons, à même le sol" lui sert de couchage, faute de chambre utilisable. Sans eau ni électricité, il ne peut ni se laver sur place ni chauffer une pièce. Les câbles sortent encore du plafond, et les courants d’air traversent les murs laissés à nu par le chantier arrêté.

Cette vie au ralenti se déroule alors que l’hiver approche dans l’Orne. À 89 ans, chaque déplacement entre sa maison éventrée et le domicile de ses proches demande une énergie considérable. Son objectif reste pourtant de montrer, par sa présence dans les lieux, que son logement n’est toujours pas vivable.

Un chantier à l’arrêt, entre maîtrise d’œuvre et lenteurs d’assurance

Pour sa famille, ce blocage n’a rien de normal. Patrice Marie, le gendre d’Émile Desdoits, souligne que tout est pris en charge par l’assurance et que les travaux déjà réalisés lui paraissent corrects. Il juge simplement que le délai est beaucoup trop long et rappelle qu’à ses yeux, pour refaire une maison comme celle de son beau-père, un chantier devrait durer douze mois au maximum.

Mis en cause par la famille, le maître d’œuvre de l’entreprise de l’Orne se dit, lui, agacé par ces reproches. Il défend son travail et met en avant les contraintes administratives et techniques liées au sinistre : "Je n’ai pris aucun honoraire à Monsieur Desdoits. Je bosse le samedi et le dimanche, j’ai des messages qui l’attestent. On fait tout ce qu’on peut. Mais il y a déjà eu des délais, il fallait les purger, avec l’amiante, l’assurance. Je ne peux pas récupérer ce temps sur les travaux, car je m’assure que tout soit bien fait, que les artisans soient en règle, pour avoir de la qualité ça prend un peu de temps", explique-t-il. Il affirme avoir dû remplacer un artisan défaillant et assure faire son maximum dans un dossier qu’il décrit comme inédit pour son entreprise.